Collège Cardinal Mercier en France (1940)
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Du 14 mai au 15 août 1940.
Lundi 13 mai (dans la soirée) : on apprend l'organisation d'un train vers la France réservé aux scouts. Le ministère songeait à faire des jeunes scouts le futur cadre d'une armée de réserve. L'abbé Goffaerts fut alors désigné pour accompagner les "grands" scouts en France. Source : "Le Collège Cardinal Mercier dans la tourmente - Essai de reconstitution de la vie du Collège pendant la seconde guerre mondiale (1940-1945)" par Xavier Cambron (Point Cardinal spécial n°52 - Avril 1995). Jules Castiaux (19 ans): "Monsieur Goffaerts nous conseille de prendre le train organisé pour les scouts en direction de la France. Dès ce moment, je me prépare à partir, maman se prépare aussi,..."
Mardi 14 mai : départ du train, l'après-midi, de la gare de Schaerbeek. Jules Castiaux : "Etienne et moi, nous sommes prêts et quittons la maison à 10 heures le plus rapidement possible pour que nous nous ne laissions pas abattre par cette si brusque séparation. En tram, nous atteignons Bruxelles. Monsieur Goffaerts nous accompagne avec plusieurs scouts : Wautelet,Pirson,du trieu,Deschamps,Boonen,Crokaert,Jules Defrance,... Nous nous inscrivons à la JOC. J'ai l'occasion de retrouver plusieurs séminaristes qui font partie de notre train. A 4 heures, nous partons de la gare de Schaerbeek dans un train de marchandises. Wagons à bestiaux. Nous sommes forcés à de nombreux arrêts étant donné que continuellement nous risquons d'être bombardés par des avions ennemis qui nous survolent. Dans la nuit, nous sommes arrêtés en gare de Mons. De loin déjà, on voyait des lueurs s'élever dans l'obscurité qui commençait alors à s'étendre. A proximité de la gare, deux maisons flambent. Un peu plus loin, d'autres maisons flambent. Toute la nuit, nous l'avons passée dans cette gare de Mons. Sur une voie avoisinante, un train de réfugiés était également arrêté. Au moins 8 à 9 alertes furent sonnées pendant cette nuit et dans des intervalles très rapprochés. A chaque alerte, tout le train des réfugiés descendait des wagons et se rendait dans le souterrain qui servait d'abri. Nous nous restions tranquillement dans nos wagons à bestiaux..." Etienne Castiaux (16 ans) : "Nous étions dans un convoi de 47 wagons à bestiaux, à 41 par wagon. Nous passons par Tubize, Hennuyères, Braine-le-Comte, Mons. A Mons, nous voyons 6 foyers d'incendie dans la gare. Arrêt toute la nuit, alertes successives, nuit affreuse, une bombe à retardement saute tout près sur un arsenal..."
Mercredi 15 mai : Etienne Castiaux : "Nous partons à l'aube. A Valenciennes, nous apprenons que Mons (et la gare) vient d'être bombardé.". Jules Castiaux : " Vers le matin, nous quittons Mons avec grand contentement. Nous avons échappé au bombardement que nous attendions à chaque instant. Sur la ligne que nous suivons, nous croisons des convois de soldats qui se dirigent vers le front. Nous atteignons Cambrai. Nous nous étendons comme nous pouvons dans ce wagon où nous sommes 38 scouts. Mr l'abbé De Wolf avec ses scouts est avec nous. Tyteca est parmi eux. On joue aux cartes, on lit,... A chaque arrêt, on essaie d'avoir de l'eau pour nous désaltérer. Arrêts fréquents. Le soir, nous arrivons à Compiègne. Nous sommes ravitaillés par la Croix Rouge et les scouts français: pain,café,bouillon,lait,...Nous commençons notre deuxième nuit en wagon à bestiaux. Cela devient fatiguant."
Jeudi 16 mai : Jules Castiaux : "Nous apprenons que l'armée hollandaise, encerclée, cesse le feu. Nous arrivons en vue de Paris. Nous suivons la grande ceinture et apercevons Montmartre. Vers 5 heures, nous arrivons à Orléans. Les scouts d'Orléans nous ravitaillent. Le long de la voie que nous suivons, nous apercevons dans les champs, à proximité, des trous fait par les bombes lancées dans le but de détruire la ligne de chemin de fer ou dans le but de bombarder les convois militaires ou ceux des réfugiés."
Vendredi 17 mai : Jules Castiaux : "A 3 heures du matin, nous atteignons Limoges. A Limoges: ravitaillement. Le paysage devient plus montagneux. Nous passons devant Carcassonne et apercevons la cité du moyen-âge reconstituée. Nous atteignons Sète le soir, la Méditerranée est aperçue. On s'en éloigne pour arriver à Montpellier à 9 heures 10. Nous logeons, sur le béton, dans un garage qui venait d'être terminé au début de la guerre. Là, nous sommes gardés militairement. "
Voir la carte du voyage, une photo d'un wagon et l'expérience vécue par d'autres scouts partis par le même train : http://www.22eme.be/Histoires/Cres/Cres.html
Samedi 18 mai : Les scouts brainois sont installés au troisième étage d'une imposante demeure, celle de monsieur et madame Joncquières, famille hispano-française. Hubert Basyn est nommé chef de Troupe, Jean Pirson devient son assistant et les scouts sont organisés en patrouilles : les Goélands, les Jaguars et les Mouettes. Source : "Le Collège Cardinal Mercier dans la tourmente - Essai de reconstitution de la vie du Collège pendant la seconde guerre mondiale (1940-1945)" par Xavier Cambron (Point Cardinal spécial n°52 - Avril 1995). Etienne Castiaux : "Dirigés sur Saint-Jean de Védas. Notre adresse: Château "Vista Alegre", Saint-Jean de Védas (Hérault)." Jules Castiaux : "Monsieur Goffaerts parvient à sortir et dit sa messe à laquelle nous assistons. Après une longue attente au stade olympique de Montpellier, nous (125 scouts) sommes amenés en car à Saint-Jean de Védas à une dizaine de kilomètres de Montpellier. Nous nous installons dans la propriété de monsieur Joncquières, Vista Alegre."
Dimanche 19 mai : Jules Castiaux :"Nous faisons une ballade dans les environs. La campagne est couverte de vignes que les ouvriers commencent à sulfater contre le "philloxéra". Grande chaleur. Nous apprenons et expérimentons qu'il y a des couleuvres. Paysages admirables, beau coucher de soleil. La troupe est divisée en 3 patrouilles : 2 d'externes, 1 de scouts internes parmi lesquels Beatty."
Mardi 28 mai : Paul Reynaud, Président du Conseil des Ministres français depuis mars 1940, annonce à la radio, lors du Radio-Journal, la capitulation de l'armée belge face à l'invasion allemande, signée par le roi Léopold III le 28 mai 1940 peu après minuit, sans qu'il ait au préalable prévenu les Alliés. Ecouter sur You Tube.
Fin mai : Jules Castiaux : "Nous sommes ici avec l'abbé Goffaerts, des scouts de la ligue Saint-Paul et des scouts internes. Nous sommes divisés en 3 patrouilles. Etienne est dans la mienne. Chaque patrouille fait la cuisine à son tour. Nous sommes ravitaillés au village. Nous avons assez. Ce que nous faisons : monsieur Goffaerts, avec les plus grands de la troupe, a organisé des cours de latin, de français, de mathématiques, de géométrie, etc... Je donne des cours de latin pour la 4ème latine avec 3 élèves. M.Goffaerts fait cela pour que les scouts soient occupés. Monsieur le directeur Hanon est venu ici hier. Il a fui en auto le jeudi de la 1ère semaine de guerre. Il est à Toulouse... Ici, je suis avec, dans ma patrouille: Defrance Jules,Boonen, Deschamps, Etienne, Crokaert. Il y a aussi ici : Basyn, J.Pirson, Wautelet, Scholl,... Nous avons déjà fait plusieurs promenades dans les environs, nous avons été à la Méditerranée à Palavas. Nous pouvons prendre des bains et aussi nager dans une rivière à 1/4 heure d'ici. Nous y allons presque tous les jours. Habituellement, il y a un vent assez fort qui souffle par ici mais il ne pleut pas. Demain, la Belgique aura besoin de nous pour reconstruire. Nous ne devons pas perdre notre temps. Ici, nous continuons nos études."
Vendredi 31 mai : Etienne Castiaux : " Perdu dans un petit patelin de 300 habitants à 5 km de Montpellier et 10 km de la Méditerranée. Depuis 15 jours sans nouvelles de vous. Nous sommes logés dans un petit château. Nous passons le temps à faire des promenades, la cuisine, à laver le linge! Je regrette le temps de Braine: un paradis à côté d'ici. Monsieur le Directeur pour le moment recherche les professeurs et les élèves dans le sud de la France. Pour le 15, il compte reformer le Collège. Monsieur le Directeur va faire une annonce pour le Collège à la T.S.F." Jules Castiaux : "Le village est rempli de réfugiés. Il n'y a plus de place. Dans les environs de Montpellier, il y a beaucoup de réfugiés."
Mercredi 5 juin: Etienne Castiaux (17 ans depuis le 3 juin) : "J'ai reçu aujourd'hui votre lettre après la messe. Ici tout le monde nous regarde comme des chançards. Quelques scouts seulement savent où sont leurs parents : Duvrieu (?), Scholl, Beatty,... Defrance sait seulement où sont ses oncles. Deschamps n'a aucune nouvelle ainsi que Vanhaelen, Boonen, Faniel (?), Crokaert, Pirson, Wautelet, Basyn, Trussard, Vandervandel et 8 scouts internes. Nous dormons ici sur nos paillasses au second étage d'un petit château sans meubles. Nous faisons la cuisine avec ce que l'on nous donne. Toujours du pain frais à en avoir mal à l'estomac. Avec cela, il faut bien acheter quelque chose et c'est cher par ici. A midi, de la soupe, quelques pommes de terre et parfois un bon morceau de viande. Le pain maintenant est rationné pour les Belges : 300 gr par jour! Du sucre : 25 gr (nous n'en avons jamais), jamais de lait ni beurre. Pour le moment, je me sens déprimé par la chaleur, les moustiques, la fatigue, le manger et je n'ai vraiment pas de courage pour étudier quelques cours. Une lettre de Voussure nous dit que les jeunes gens de 19 à 30 ans devraient être mis dans des camps d'instruction. Pour les jeunes de 16 à 19, je crois qu'ils seraient formés en espèce de camps scouts. Rien n'est encore en vigueur, je crois. Les scouts vont par groupe de 5 tous les jeudis à Montpellier se procurer tout ce qu'il faut. Je n'ai pas encore été. Un scout à vélo y va quand il veut. Les réfugiés ici vont au ravitaillement de la commune. Eux ne peuvent s'éloigner même pour aller voir leurs malades à Montpellier. Suite à la capitulation du Roi, les Belges pour le moment n'ont plus l'estime des Français comme en 1914. Je lave tant bien que mal mon linge. Seulement pour raccommoder mes bas, quel supplice!!! Pour le Collège, Monsieur le Directeur a trouvé un magnifique bâtiment neuf pour les profs et les élèves. Il a sauvé la statue de Marie-Médiatrice. Ici si l'on veut, on peut aller travailler dans les vignes. la main d'oeuvre manque. Car si on ne reçoit pas d'argent, inévitablement les fonds vont s'épuiser puisqu'on achète toujours sans jamais gagner. Nous avons été à la mer. Les plages sont désertes maintenant. J'y ai été prendre un bain de pieds. La Méditerranée est vraiment magnifique. L'eau est très salée. Ici, il y a des couleuvres d'un mètre, des gros scorpions, des lézards verts, de magnifiques palmiers, des cerisiers, des platanes et à perte de vue des vignes bien alignées, des routes de macadam partout... Si j'avais mon vélo..."
Jeudi 6 juin : Jules Castiaux: " Nous venons de revenir de la mer Méditerranée, de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), journée splendide sous un fort soleil. Nous avons pris un excellent bain dans une eau très salée. Voici notre horaire ordinaire : à 7 h lever, à 7 h 1/2 messe pour tous les scouts du village (125), déjeuner : café-pain, nous achetons de la confiture de temps en temps. A 8 h 1/2 premier cours jusque 9 h 1/2, alors nous avons une sorte d'étude jusque 10 h 1/2. Puis préparation du dîner pour la patrouille qui est de cuisine; pour les autres, temps libre pendant lequel nous faisons des promenades dans les environs. 12 h 1/2: dîner puis sieste. De 2 h 25 à 4 h 1/4 : nous avons temps libre par patrouille : nous allons à ce moment ordinairement prendre un bain à la rivière. Ensuite, nous avons deux cours qui se suivent jusque 6 h. A 6 h, les scouts sont libres individuellement et peuvent aller au village. A 7 h 1/2: souper. A 8 h 1/4, nous faisons avec M.Goffaerts ou notre chef de troupe (Hubert Basyn qui était au séminaire avec moi) une 1/2 h d'exercice: nous apprenons la marche militaire, les 1/2 tours à droite, ... Après on temps libre jusque 9 h 1/2. A 9 h 1/2, conseil de troupe puis coucher à 10 heures. Je m'occupe de mon cours de latin que je donne aux 3 élèves de 4ème latine. Etienne s'occupe de la bibliothèque que par M.Goffaerts on a formé pour tous les scouts de la troupe. Etienne fait cela très bien et les livres augmentent. Hier après-midi, j'ai été à Saussan, un petit village à 5 km d'ici voir un séminariste : Paul Meeus. Ils sont très bien installés et ont une excellente nourriture. Notre nourriture ici est suffisante et la manière de préparer les plats s'améliore de plus en plus. Nous avions hier soir une bonne soupe, des pommes de terre, viande et petits pois. C'était très bon."
Vendredi 7 juin: Etienne Castiaux : " Nous avons été à la mer hier, beaucoup en sont revenus avec des coups de soleil formidables, ils avaient exposé leur corps au soleil, ils ont eu la fièvre et ont très mal aux places rouges. Aujourd'hui est arrivé ici Monsieur Vanhaelen en vélo de Bruxelles. Il fait très chaud. Un orage nous menace."
Lundi 10 juin : Jules Castiaux: "Nous sommes toujours très bien à Saint-Jean de Védas. Nous avons assez de nourriture. Il commence à faire chaud et les élèves, appesantis par la chaleur sont assez distraits aux cours. C'est en tous cas un beau coup de force que monsieur Goffaerts a fait ici en organisant cette "université Cardinal Mercier". C'est une belle entreprise et les scouts l'en remercieront. Nous partirons d'ici peut-être jeudi prochain... Nous avons eu ce matin la visite de monsieur le Baron Nothomb. Il nous a dit quelques mots. J'ai dû faire réparer une paire de chaussures qui étaient trouées. Elles sont bien ressemelées."
Mercredi 12 juin : Jules Castiaux : " A midi, Monsieur Goffaerts nous a annoncé que nous partons vendredi à Lablachère. Demain, donc jeudi, nous nous préparerons à partir et vendredi, nous partirons assez tôt pour Nîmes puis vers Lablachère. Ici, tout a été très bien . Notre nourriture est bonne et suffisante. La guerre est donc engagée avec l'Italie. cela nous a fait un coup lundi soir quand nous l'avons appris. L'Italie s'allie avec l'Allemagne contre la Belgique, contre la civilisation chrétienne, contre les Alliés. Pendant notre séjour ici, nous avons été très bien reçus et accueillis par les propriétaires de "Vista Alegre". Ils sont eux-mêmes très contents de nous. Ils nous invitent même de à venir chez eux en Espagne lorsque la guerre sera finie. Cet après-midi, nous avons été nager. Pourvu que là où nous allons, nous puissions encore le faire."
Jeudi 13 juin : Jules Castiaux : "A 5 heures, après-midi, nous sommes reçus chez monsieur Joncquières qui nous offre un goûter d'adieu. A 6 heures sur la place du village de Saint-Jean de Védas, tous les scouts qui y sont cantonnés sont réunis pour chanter le chant de l'au revoir. A 7 heures 1/2, un autocar de Montpellier vient nous prendre au château. Jusqu'à 10 heures, nous nous promenons dans la ville de Montpellier : arc de triomphe de Louis XIV et sa statue, la cathédrale,...La ville n'est pas éclairée, on se ballade dans des rues étroites où les maisons sont assez hautes. Je déguste au "Grillon", un chocolat à 2 francs 50. Nous passons la nuit à Montpellier dans un abri pour réfugiés."
Vendredi 14 juin : Jules Castiaux : "A 3 heures du matin, nous nous levons après une bonne nuit sur la paille. A 3 heures 1/2, nous quittons Montpellier en chemin de fer pour Nîmes où nous arrivons à 4 heures 3/4.Monsieur l'aumônier Goffaerts dit la messe à l'église Saint-Baudèle. Nous déjeunons en face de la gare. après en troupe, nous visitons la ville: la tour Magne, la Fontaine de Nîmes, la Maison Carrée,les arènes, la statue d'Alphonse Daudet (né en 1840, c'est le centenaire de sa naissance), la cathédrale,... A 10 heures 1/2, nous partons de Nîmes pour Alès où nous arrivons vers midi 1/4. En gare, un train de réfugiés parisiens. Nous quittons Alès vers 4 heures 1/2. Nous arrivons à Saint-Paul-le-Jeune. Un autocar nous amène à Lablachère où monsieur le Directeur nous reçoit. Une maison de retraite neuve où nous sommes les premiers à loger. 3 lits par chambre. La nourriture est épatante faite par les soeurs. Nous sommes à un endroit de pèlerinage." Tous prennent le train via Nîmes, Alès et Saint-Paul-le-Jeune pour, en autocar, parvenir jusqu'à Notre-Dame de Bonsecours à Lablachère. Le gros bâtiment qui allait accueillir "Braine en France" avait été mis à disposition par Monseigneur Couderc, évêque de Viviers. Ils retrouvent là le directeur Hanon et l'abbé Mesure qui avaient préparé leur arrivée et celle du "Collège en réduction" de l'abbé Lamy lui-même. Source : "Le Collège Cardinal Mercier dans la tourmente - Essai de reconstitution de la vie du Collège pendant la seconde guerre mondiale (1940-1945)" par Xavier Cambron (Point Cardinal spécial n°52 - Avril 1995)
Samedi 15 juin : Jules Castiaux : " Monsieur le Directeur, Monsieur Hanon et Monsieur Goffaerts organisent ensemble le Collège."
Dimanche 16 juin : Jules Castiaux : "L'installation qu'on met à notre disposition est magnifique. Nous sommes les premiers à utiliser les chambres. Ce bâtiment venait d'être terminé au début de la guerre. Il devait servir comme maison de retraite. Ici, c'est aussi un lieu de pélérinage : Notre-Dame de Bonsecours. Il y a des soeurs qui avant s'occupaient de recevoir les pélerins. Maintenant, elles s'occupent de nous, préparent notre nourriture, lavent nos linges... Monsieur le Directeur aura donc trouvé tout prêt pour installer le Collège. Nous dormons, il faut le dire, sur de bons lits, avec draps de lit et couverture à notre disposition. La nourriture est excellente et à profusion. Nous avons la cuisine française et on s'y fait. Les cours vont commencer lundi. En attendant que les professeurs n'arrivent, nous continuerons à donner leçons comme à Saint-Jean de Védas. Notre adieu de Vista Alegre a été touchant. Les propriétaires étaient vraiment émues de nous voir partir."
Lundi 17 juin : les classes reprennent, cours le matin, sieste, promenade et étude l'après-midi. Le Collège possède maintenant les 6 classes d'humanités, un corps professoral complet (de guerre!) et une cinquantaine d'élèves. Il compte deux groupes d'internat : les grands sous la direction d'Hubert Basyn, et les petits sous la responsabilité de Géraldd Beatty puis sous celle de Dominique Nothomb. Source : "Le Collège Cardinal Mercier dans la tourmente - Essai de reconstitution de la vie du Collège pendant la seconde guerre mondiale (1940-1945)" par Xavier Cambron (Point Cardinal spécial n°52 - Avril 1995)
Dimanche 23 juin: le Collège reçoit la visite de son bienfaiteur, Mgr Couderc, qui est vivement remercié, au nom de tous, par Jacques de Grunne. Source : "Le Collège Cardinal Mercier dans la tourmente - Essai de reconstitution de la vie du Collège pendant la seconde guerre mondiale (1940-1945)" par Xavier Cambron (Point Cardinal spécial n°52 - Avril 1995)
Mercredi 26 juin : Etienne Castiaux (17 ans) : "Voici 10 jours que nous sommes ici à Lablachère, aucun jour sans pluie, mais magnifiquement installés. Un bâtiment tout neuf et moderne avec chauffage, eau courante et électricité dans toutes les chambres. Nous dormons une cinquantaine environ, 2 ou 8 dans chaque chambre, nouvellement équipées de bons matelas et couvertures. Des soeurs nous font la cuisine, à la française, abondamment pourvue de riz, de lentilles et de (?), mais si finement et si soigneusement préparée et en abondance. Par exemple, le matin : pain en abondance, café,lait, sucre(2). A midi : potage, viande (excellente), pommes de terre et lentilles, des pêches pour dessert. A 5 heures : du pain et un morceau de chocolat. Le soir : potage, viande, riz, fruits confits. Et c'est la vie normale de collège: à 7h 1/2 lever, à 8 h messe, à 8 h 45 déjeuner, à 9 h 45 jusque 12 h 1/4 cours, à 12 h 1/2 dîner, de 1h 15 à 2 h 45 sieste, jusqu'à 4 h 45 promenade, de 5 h 1/4 à 6 h 45 étude puis souper, récréation et à 9 h , on monte dormir." Jules Castiaux (19 ans) : " Ici, nous continuons les cours comme d'ordinaire. Nous avons dans les environs des endroits magnifiques pour des promenades, des escalades dans des rochers, des grottes,... Nous allons encore nager mais la rivière n'est pas aussi large qu'à Saint-Jean de Védas. Cet après-midi, avec un camarade de collège,j'ai été à Joyeuse, un petit village à une dizaine de kilomètres d'ici. Il y avait de vieilles maisons très intéressantes à voir mais très sales dont peu étaient habitées si ce n'est par des gens très pauvres. C'est une belle journée. Il n'a pas plu mais il y a un vent assez violent. Espérons que le temps se remettra totalement."
Dimanche 7 juillet : Etienne Castiaux : "Aujourd'hui, dimanche il pleut. Monsieur Mesure est au lit, un médecin belge le visite tous les jours. Les pêches ici sont à 1 franc le kilo et en Belgique 1 franc pour une. Ici, il y a un T.S.F que Monsieur le Directeur a acheté. On sait ainsi beaucoup de nouvelles. Monsieur Goffaerts veut continuer les cours jusqu'au 1er août!!! S'il ne fait pas trop chaud! Après, il espère faire une excursion dans le Jura. Qui la paiera ça on ne le dit pas encore!! Les 2 fils du consul de Belgique sont ici. Ils sont à Privas à l'hôtel où ils retournent le dimanche." Jules Castiaux : "Ici au Collège, nous avons la T.S.F. également et elle fonctionne bien. Nous attendons maintenant le moment de rentrer en Belgique mais je ne sais pas si ce sera de sitôt. Ici, nous sommes tout à fait bien. On ne peut se plaindre de rien et nous n'avons que des remerciements à adresser à Monsieur le Directeur. Merci pour les 20 francs reçus. Les dépenses ici diminuent. On a tout ce qu'il faut du Collège. Nous sommes très contents."
Mercredi 17 juillet : Jules Castiaux: "On attend pour partir. Mais il parait qu'il y a moyen de passer en Belgique facilement. Donc Monsieur le Directeur tâchera de passer la frontière en auto et de rentrer en Belgique. Arrivé là, il reviendra nous prendre dit-il avec des autocars et des papiers de la kommandature allemande autorisant le passage. Je souhaite qu'il réussisse. On sera d'autant plus vite rentré... Nous avons été visiter différentes choses intéressantes des environs; En effet, il y a de très belles excursions. Actuellement, je lis assez bien. Je me procure des livres chez des Pères Oblats du village. Autrement, la vie est tout à fait normale, on continue à manger des pois cassés, des nouilles, du riz, des lentilles. Mais tout cela ne donne pas la force que donne la bonne nourriture de Belgique."
Dimanche 21 juillet : la fête nationale se fête sous l'égide de l'abbé Goffaerts. Une bonne partie des réfugiés belges des environs assistent à la messe, au repas et au spectacle donné par les élèves : Gérald Beatty, Justin Binon, Jacques de Grunne, Jean-Jacques Dodémont, Léon Labouille, Jean Lequarré, Pierre Michaux, Dominique Nothomb, Joseph Vanhaelen, Jacques van Ongevalle, Luc Verstraete, Marcel Wautelet jouent des extraits d'Antigone et des Fourberies de Scapin. Les petits chantent notamment "La Brabançonne" sous la direction de Dominique Nothomb. "Le Collège Cardinal Mercier dans la tourmente - Essai de reconstitution de la vie du Collège pendant la seconde guerre mondiale (1940-1945)" par Xavier Cambron (Point Cardinal spécial n°52 - Avril 1995). Jules Castiaux : "Monsieur Goffaerts a célébré la messe à 7 heures 1/2 à l'église pour les morts pour la patrie. Le soir, nous avons eu une fête avec deux pièces (des extraits) "Antigone" de Sophocle et les "Fourberies de Scapin" de Molière. Il y avait aussi des chants patriotiques."
Lundi 22 juillet : Jules Castiaux : "Nous attendons les autocars que le Directeur Hanon ne tardera pas à faire venir de Belgique. Monsieur Goffaerts a reçu une lettre de Belgique de madame Dupire, Jacques est rentré. Le Collège a repris et monsieur Verbruggen est directeur. Monsieur Vandercam du couvent est doyen faisant fonction à Braine. Ici, la vie est tout à fait normale. Nous avons jeudi les examens finaux pour la fin de l'année. Il commence maintenant à faire bien chaud."
Mardi 23 juillet : Etienne Castiaux : "L'année scolaire touche à sa fin, encore 2 jours pour les examens finaux alors vendredi et samedi, nous projetons une excursion à Notre-Dame des Neiges. Nous sommes ici dans le pays du Père de Foucauld. Nous avons été voir les gorges de la Beaume qui sont vraiment magnifiques avec des canyons comme dans les Rocheuses. Nous avons fait un jour 40 km à pied, 3 autres en ont fait 55. Nous avons été jusqu'à Peyre et revenu par Teyzac. Le pays est vraiment pauvre, une terre de France en friche comme disait "Le Petit Marseillais". Je lis le journal tous les jours. De grands quadrimoteurs allemands passent souvent très bas vers la Méditerranée, on voit très bien les croix gammées."
Dimanche 28 juillet : Jules Castiaux :"Jeudi 25, la frontière parait-il a été fermée. Nous avons fait vendredi, samedi et dimanche une grande excursion aller et retour jusqu'en Lozère à Notre-Dame des Neiges visiter la trappe. Les montagnes étaient magnifiques, au loin on apercevait les Alpes. A Saint-Laurent les Bains, il y avait une fontaine d'eau chaude tellement chaude qu'on ne savait pas y laisser la main. Nous nous sommes levés vendredi et dimanche à 4 heures du matin. Etienne a été en vélo et montait les côtes à pieds. Je ne me ressens pas beaucoup de la fatigue. J'ai été très content d'avoir fait cette promenade. Les petits ont été à Aubenas. Albert Defrance est arrivé ici hier passer quelques jours. Il ne sait pas où est Louis. Henri Legrand est à Aubenas. Nous ne savons pas encore quand nous partirons d'ici. On essaye de tout côté. On s'est déjà inscrit pour le chemin de fer. Mais peut-être verra-t-on arriver l'autobus au moment où on ne s'y attendra pas."
Jeudi 1er août : Etienne Castiaux :"Monsieur le Directeur est rentré en Belgique, les cours sont finis. Nous mangeons bien, nous dormons bien.J'ai une petite chambre avec une petite, une chaise, un lavabo, un porte-manteaux et tout cela, tot nouveau dans un grand bâtiment neuf mis à notre disposition. On peut boire des demis (Export) dans une petite ville (Joyeuse) à 5 km, nous y allons tous les jours. Je sais maintenant nager et je sais jouer pas mal au bridge : 2 choses que j'aurai apprises en France. Nous espérons revenir pour la saison des fruits. Des pêches, on en mange par kilos (1 franc le kilo), des abricots,..." Jules Castiaux : "Nous attendons ici que les autobus du Collège arrivent nous chercher. Nous sommes en tous cas inscrits pour le chemin de fer si jamais les autobus n'arrivent pas. Monsieur le Directeur Hanon est-il au Collège? Il ne nous a donné aucune nouvelle. Ici, nous sommes bien, rien ne nous manque si ce n'est la Belgique. Nous avons lu entre nous la lettre du Cardinal Van Roey et la lettre du Roi au président Roosevelt."
Mardi 6 août : Jules Castiaux :"Quand cette lettre vous parviendra, nous serons peut-être déjà à Lyon. Nous partirons d'ici en autocar jusqu'à la station la plus proche. là, nous prendrons le train jusqu'à Lyon. A Lyon, nous ne savons pas ce que nous ferons. Les autobus du Collège ne sont pas arrivés. Nous nous préparons donc, ce mardi, à partir. Nous partirons d'ici jeudi matin. Hier, j'ai été à la "Grotte du Soldat" près de Joyeuse : une grotte très intéressante avec 2 grandes salles mais il faut ramper pour y arriver."
Jeudi 8 août : départ à 4 heures du matin, dans deux autocars loués à un garagiste pour Le Theil à une cinquantaine de kilomètres. C'est là que tous prendront le train pour Lyon. Dans cette dernière ville, ils sont accueillis par le cardinal Gerlier et le chanoine Bazin au séminaire Saint-Jean à Fourvière durant 5 jours...car impossible d'obtenir un moyen de transport pour la Belgique. Source : "Le Collège Cardinal Mercier dans la tourmente - Essai de reconstitution de la vie du Collège pendant la seconde guerre mondiale (1940-1945)" par Xavier Cambron (Point Cardinal spécial n°52 - Avril 1995)
Jeudi 15 août : Jules Castiaux :"Assomption en train. Paris a été contourné durant la nuit. Nous apercevons dans les champs un avion allemand abattu. Plus loin, un char d'assaut... Par ci, par là, des maisons au toit délabré, des fils électriques et téléphoniques coupés, des trous, des voitures de chemin de fer percées comme des cribles, un train entier mitraillé,... On atteint Mons dans la soirée vers 7 heures et Bruxelles à 10 heures. Nous logeons à la JOC qui paye le repas."
Vendredi 16 août : Jules Castiaux : "En train, nous atteignons Braine-l'Alleud. La famille est complète."
17 et 25 septembre : tous les élèves de retour de France passent une visite médicale auprès du docteur Ch. Severin de Braine-l'Alleud. Il en coûta...80 francs au Collège. Source : "Le Collège Cardinal Mercier dans la tourmente - Essai de reconstitution de la vie du Collège pendant la seconde guerre mondiale (1940-1945)" par Xavier Cambron (Point Cardinal spécial n°52 - Avril 1995)